LE JARDIN DE CHOUI ET LEIA

Contrairement aux apparences, le petit animal qui suit n'est pas un oiseau-mouche.

Il s'agit d'un papillon.

Macroglossum stellatarum (3) (moro-sphinx):

 

 

Il n'y a pas d'oiseau-mouche en France.

Contrairement aux apparences toujours, il s'agit d'un papillon de nuit.

L'on distinguait naguère les papillons de jour des papillons de nuits.

Les premiers étaient appelés rhopalocères, les seconds hétérocères.

Cette ancienne distinction, absurde, est devenue obsolète.

L’appellation "Rhopalocères", qui désigne les papillons de jour, fait référence à la forme des antennes.

Les rhopalocères sont des papillons dont l'extrémité des antennes ressemble à une massue:

 

 

Les papillons de nuit étaient autrefois appelés hétérocères.

Mais l’appellation "Hétérocères" ne veut rien dire.

Elle signifie simplement que les antennes n'ont pas la forme d'une massue, mais n'importe quelle autre forme:

 

 

 

 

Etc.

 

A priori, on peut penser qu'il s'agit là d'une catégorisation complètement débile.

Et bien, c'est le cas.

Prenons un exemple.

On pourrait, dans un cadre différent, distinguer les mecs qui portent des chaussures Stan Smith de ceux qui n'en portent pas.

Cela n'aurait pas plus d'intérêt.

Calciamentum signifie chaussure en latin, Phoros le porteur, stansmith signifie Stan Smith, et Hétéro l'absence d'unicité.

Le premier groupe, représentant les porteurs de Stan Smith, s'appellerait les stansmithcalciamentophores.

Et le second groupe, représentant ceux qui portent n'importe quel autre type de chaussures, s’appellerait les hétérocalciamentophores.

Du coup, les porteurs de Stan Smith apparaîtrait comme une élite minoritaire, ce qui est gratifiant.

Stansmithcalciamentophore:

 

(droits réservés)

 

Mais cela n'a aucun sens, d'autant que rien dans le comportement ne peut séparer les uns des autres.

Au passage, notons que "hétéro" signifie l'absence d'unicité.

Nous allons cesser, en ce qui nous concerne, de nous définir comme hétérosexuels, de peur qu'un latiniste distingué n'imagine que nous aimions faire l'amour avec des poulpes, avec des fougères, etc.

 

Bien sûr, tout ceci est absurde.

 

(droits réservés)

 

En fait, pour les papillons, la classification fut longtemps utilisée par facilité.

Les rhopalocères regroupaient presque tous les papillons de jour, et les hétérocères la plupart des papillons de nuit.

En réalité, cela est erroné.

Pourtant, bien qu'obsolète, on rencontre encore partout l'ancienne classification.

Comme quoi, les idées reçues ont la vie dure.

 

Il s'avère en effet que, parmi les rhopalocères, certains volent la nuit.

Et, surtout, parmi les hétérocères, beaucoup volent le jour.

 

C'est le cas, par exemple, des zygènes.

Zygaena erythreus (3) (zygène des garrigues):

 

 

Zygena filipendulae (3) (zygène des prés):

 

 

Le moro-sphinx, rencontré déjà plus haut, très habituel dans nos jardins, vole aussi le jour.

Macroglossum stellatarum (3):

 

 

De même que les sésies.

Pyropteron chrysidiformis (3) (sésie de l'oseille):

 

 

Et le sphinx du palmier.

Paysandisia archon (3):

 

 

Pourtant, tous sont comptés dans les papillons de nuit.

D'autres espèces, assez nombreuses, butinent occasionnellement le jour.

Tyta luctuosa (3) (noctuelle en deuil):

 

 

Sitochroa verticalis (2) (botys vertical):

 

 

Acontia trabealis (3) (arlequinette jaune):

 

 

Catocala nymphea (3) (lichénée vestale):

 

 

L'emblématique et très jolie écaille chinée se rencontre aussi au soleil.

Euplegia quadripunctaria (3):

 

 

 

Ce type de comportement diurne, habituel chez de nombreux "Hétérocères" nous facilite la tâche.

Car, de fait, nous pouvons les rencontrer, donc les photographier le jour.

Cela est beaucoup plus facile.

De plus, cela évite de les photographier sur un mur.

Agrius convolvuli (3) (sphinx du liseron):

 

 

 

Sur un carrelage.

Itame vincularia (3) (fidonie du nerprun):

 

 

Sur une vitre.

Ecloera solieraria (3) (petite boarmie des cyprès):

 

 

Sur un rideau.

Sphinx pinastri (3) (sphinx du pin):

 

 

ou sur un plafond.

Idaea aversata (3) (acidalie détournée):

 

 

A l'extérieur, les photos ne sont pas toujours très réussies.

Mais au moins le décor rehausse-t-il l'ensemble.

Pyrausta aurata (3) (pyrale de la menthe):

 

 

Dysauxes punctata (3) (ménagère):

 

 

Pour autant, même le jour, certaines espèces choisissent mal leur support.

Phlogophora meticulosa (3) (méticuleuse):

 

 

Il est donc possible de rencontrer beaucoup de papillons de nuit dans la journée.

Et de toutes sortes.

Apodores floralis (2) (pyrauste florale):

 

 

 

Pyrausta despicata (3) (pyrauste du plantain):

 

 

Adela reaumurella (2) (adèle verdoyante):

 

 

Nomophila noctuella (3) (pyrale de la luzerne):

 

 

Agriphila geniculae (2) (crambus anguleux):

 

 

Un truc marrant, qui n'a rien à voir avec le sujet, mais qui mérite d'être souligné.

Nous avons ajouté l'espèce "geniculae" au dictionnaire words, qui, évidemment, ne connaissait pas le mot.

Celui-ci nous a d'abord proposé de le corriger avec le mot "enculage" (neuf lettres).

Vérifiez, cela fonctionne.

 

Même les papillons de nuit qui ont une activité strictement nocturne peuvent se photographier le jour.

Dans ce cas, ils sont simplement au repos.

De fait, ils se remarquent beaucoup moins que leurs congénères diurnes.

Pyrausta despicata (2) (pyrauste du plantain):

 

 

Scoparia ambigualis (1) (eudorée commune):

 

 

 

On les rencontre par hasard, pas toujours à l'endroit où l'on s'attendrait de les voir.

Le spécimen suivant, alors que nous disposons de plusieurs figuiers dans le jardin, a été aperçu sur de la vigne vierge.

Choreutis nemorana (3) (teigne du figuier): 

 

 

 

Beaucoup de papillons de nuit, le jour, se camouflent.

Ci-dessous, un spécimen sur un chêne vert.

Catocala nupta (2) (mariée):

 

 

 

Un autre, camouflé sur des aiguilles de pin.

Synaphe punctalis (3) (clédéobie étroite):

 

 

Un autre, enfin, sur de la lavande.

Un camouflage somme toute assez bien réussi.

Mesophles oxycedrella (3):

 

 

 

D'autres fois, les camouflages sont assez médiocres.

Noctua comes (2) (hulotte):

 

 

 

Ou carrément ratés.

Camptogramma bilineata (3) (brocatelle d'or):

 

 

 

Parfois, ce sont le camouflage et la photo qui sont ratés tous les deux.

Ematurga atomaria (3) (phalène picotée):

 

 

 

Dans les papillons de nuit vus le jour, nous avons rencontré plusieurs espèces de tordeuses.

Les Tortricidae (ou tordeuses) se nomment ainsi parce que leurs chenilles ont pour habitude de tordre les feuilles des plantes dont elles se nourrissent.

Les tordeuses sont considérées comme des ravageuses de culture.

Ce n'est pas bien.

Mais un peu mieux tout de même que Monsanto, qui ravage la biodiversité en même temps que nos santés.

Dans le jardin de Choui et Leia, nous ne savons pas ce que les tordeuses ravagent mais, à vue de nez, pas grand chose.

En tout cas, elles se reposent le jour fréquemment sur des feuilles.

Cydia amplana (3) (tordeuse du chêne): 

 

 

 

Nos chênes vont très bien, merci par avance de vous inquiéter d'eux. 

Cacoecimorpha pronubana (3) (tordeuse de l’œillet): 

 

 

 

Nos œillets aussi vont bien, ils sont pourtant bien moins costauds que nos chênes.

Une autre espèce de tordeuse est moins regardante.

Elle se nourrit tout aussi bien de genêt, que de plantain, de pissenlit, ou de salades.

Celypha rivulana (3) :

 

 

 

Pour les salades, nous avons du renoncer à leur culture, mais pas à cause de Celypha rivulana.

Plutôt à cause des lapins de garenne, qui ne leur laissent aucune chance.

 

Enfin, une dernière espèce de tordeuse. 

Clepsis consimilana (3) (tordeuse du cyclamen): 

 

 

 

On se demande encore ce qu'elle foutait là car il n'y a aucun cyclamen dans le jardin.

 

Deux petits derniers pour la route, des ptérophores (étymologiquement: porteur de plumes).

Le profane qui voit cet insecte pour la première fois et comprend qu'il s'agit d'un papillon mérite des applaudissements.

Ce ne fut pas notre cas.

Pterophorus pentadactyla (3) (ptérophore blanc):

 

 

Capperia britanniodactylus (3) (ptérophore de la scorodoine):

 

 

NB: la scorodoine est une plante de la famille des sauges.

 

L'essentiel, dans tout cela, c'est la curiosité.

Cultiver la nôtre et éveiller celle des autres.

Et surtout ne pas tomber dans les affres du trouble obsessionnel compulsif.

Car, avec plus de 35000 espèces différentes d'insectes sur le territoire national (4800 pour les papillons de nuit), c'est l'hôpital psychiatrique assuré.