LE JARDIN DE CHOUI ET LEIA

LE JARDIN DE CHOUI ET LEIA

Un arbre mort

Dans un coin de notre jardin, il y a un arbre mort.

Il est situé juste derrière un érable et un cèdre.

 

 

Si l'on s'approche un peu, on voit qu'il s'agit d'un eucalyptus.

 

 

Cela fait quelques années maintenant qu'il est mort.

L'écorce tombant au fur et à mesure, elle laisse apparaitre les stigmates d'une vie passée.

Les traces d'anciennes galeries sont effectivement très visibles sur le tronc nu.

 

 

Comme il est assez grand, nous ne ne l'avons pas immédiatement coupé.

Par flemme.

Puis nous avons décidé que nous ne le couperions pas.

En effet, nous avons assez vite constaté que, si l'arbre était mort, il abritait toujours de la vie.

Quelques petits trous nous signalent que certains insectes sont encore actifs.

 

 

En particulier une colonie de fourmis.

Crematogaster scutellaris (3) (fourmi écusson):

 

 

Jusque là, rien d'extraordinaire.

Les fourmis ont utilisé le tronc pour faire leur nid.

C'est aussi le cas de cette osmie, dont il est impossible d'identifier l'espèce sur cette photo.

Osmia sp. (3):

 

 

Parfois une araignée sauteuse se promène.

Elle chasse.

Si elle a choisi ce terrain, c'est que des proies s'y baladent.

Menemerus taeniatus (2):

 

 

Toujours rien que de très banal.

L'araignée fait peur, non?

C'est l'effet "macro".

En réalité elle ne doit mesurer que 7 à 8 millimètres.

   

Puis, un jour, sur le tronc de l'arbre mort, nous avons rencontré ceci.

Medetera flavipes (2):

 

 

Une mouche, assez curieuse, haute sur patte.

Elle appartient à la famille des Dolichopodidae.

Il s'agit d'une mouche prédatrice, qui se nourrit essentiellement de larves de moustiques.

Donc utile.

Surtout lorsque l'on n'utilise pas d'insecticides.

Que faisait-elle là?

Elle nous a, en tout cas, incité à faire un tour de temps en temps vers l'eucalyptus.

 

Lorsque l'on pratique l'observation entomologique depuis un certain temps, les espèces nouvelles se font rares.

Lorsque l'on en rencontre une, cela nous procure une certaine excitation.

Lorsqu'il s'agit d'une espèce nouvelle appartenant à une famille encore jamais rencontrée, nous avons l'impression de toucher le gros lot.

Or, toujours sur le tronc de notre arbre mort, nous avons encore rencontré ceci.

Stephanus serrator (2):

 

 

Il s'agit d'un membre de la famille des Stephanidae.

Il s'agit d'une guêpe parasitoïde qui ressemble un peu à un ichneumon.

Mais, contrairement aux Ichneumonidae, qui sont une famille pléthorique, les Stephanidae comptent peu d'espèces.

Et ils sont beaucoup plus archaïques que les Ichneumonidae.

 

Nous avons rencontré aussi ceci. 

Eupelmus cicadea (2):

 

 

Encore un bizarre hyménoptère, de la famille des Eupelmidae.

Les deux spécimens ci-dessus, Stephanus et Eupelmus, sont des térébrants.

C'est à dire des guèpes que ne disposent pas d'aiguillon.

Celui est remplacé chez la femelle par l'ovipositeur, qu'on voit bien sur la photo suivante (flèche jaune).

Eupelmus cicadea (2):

 

 

Cet organe ne sert pas à piquer, mais à pondre les oeufs.

Les térébrants, pour la plupart, sont des parasitoïdes.

C'est-à-dire que leurs femelles pondent leurs oeufs dans d'autres insectes (grace à leur ovipositeur).

Cela peut paraitre fort étrange, voire un peu monstrueux puisque cela nous rappelle ceci:

 

 

(droits réservés)

 

(droits réservés)

 

Mais, en réalité, les térébrants sont très utiles.

Une super-famille de térébrants, les Chalcidoidea, de laquelle font partie la famille des Eupelmidae, représente 80% des insectes utilisés en lutte biologique.

Ils nous ont fait, de plus, comprendre que l'imagination sans limite des auteurs de science-fiction était un leurre.

Souvent, ils se contentent de copier.

 

Finalement, nous avons convenu que nous ne couperions pas notre arbre mort.

Il s'est avéré, en effet, être un lieu d'observation privilégié.

Sur son tronc, nous avons rencontré des espèces d'insectes que nous n'avons jamais vu ailleurs dans le jardin. 

 

Cette bestiole, qui appartient à celle des faucheux. 

Odiellus spinosus (3):

 

 

Cette autre bestiole, apparentée aux cicadelles.

Laticala maculipes (3):

 

 

Bref, ce vieil arbre semble bien représenter un écosystème à lui tout seul.

Attention toutefois...

Voici une mouche posée sur une planche.

Geomyza tripunctata (3) (mouches des graminées):

 

 

Puis une autre.

Lispocephala brachialis (2):

 

 

Et encore une autre.

Stomyx calcitrans (3) (mouche des étables):

 

 

Et une autre encore.

Stomina caliendrata (1):

 

 

Peut-on considérer ces planches comme des écosystèmes?

Bien sûr que non.

Les mêmes mouches sont présentes ailleurs dans le jardin.

Simplement, lorsqu'elles posées sur des planches, elles sont plus facilement repérables.

De fait, bon nombre de photos de mouches sont prises à partir d'insectes posés sur des planches.

Quand elles sont posées dans l'herbe, il est beaucoup plus difficile de les repérer.

 

Alors?

Se peut-il que notre tronc d'arbre mort soit simplement une aire d'atterrissage sur laquelle les insectes se voient mieux?

Certainement pas.

Car, sauf exception, les insectes n'utilisent pas les planches pour faire leurs nids.

Un arbre mort représente bel et bien un intérêt écologique particulier.

 

Nous ne saurions donc que vous conseiller de laisser un ou deux arbres morts chez vous.

A condition, bien sûr, que votre jardin soit assez grand.

Ou que ceux-ci ne menacent pas la maison.

Les arbres morts sont très utiles.

Ils préservent la biodiversité.

Un morceau d'arbre peut suffire:

 

IMGP3775.JPG

 

Si le tronc n'est pas trop putrescible, il servira d'abri à tout un tas de bestioles.

Et, avec un peu de chance, vous tomberez sur des insectes assez rares.

Que vous n'auriez sans doute jamais vu sans lui.

Comme celui-ci par exemple.

Orussus abietinus (3):

 

 

Qui n'est même pas présent sur la galerie du site incontournable "Le Monde des insectes".

Les Orussidae sont une petite famille de symphytes.

C'est-à-dire des guèpes qui n'ont pas une "taille de guèpe".

Voici un autre exemple de symphyte. 

Tenthredo marginella (3):

 

 

On voit bien qu'elle a forcé sur la bouffe.

La liposuccion n'est pas loin.

Alors que les apocrites présentent un net étranglement au niveau de l'abdomen.

Polistes dominula (3) (poliste commun): 

 

 

Nous avons affaire ici à des guèpes qui ont des tailles de guèpes.

Ce sont, d'ailleurs, les plus nombreuses.

Oedinerus poecilus (2):

 

 

Revenons vers notre arbre mort.

Qu'est-ce qu'un Orussidae?

Il s'agit d'une guèpe symphyte parasite.

Orussus abietinus (3):

 

 

On les reconnait en particulier grâce au fait que leurs antennes sont implantées en dessous des yeux.

Ce qui est, pour le moins, inhabituel.

Voici d'ailleurs une autre espèce d'Orussidae, toujours sur notre Eucalyptus.

Orussus taorminensis (2):

 

 

Si l'on considère les autres espèces "bizarres" rencontrées sur notre tronc, nous avons affaire à quelques parasites et parasitoïdes.

Il est clair qu'ils ne sont pas là par hasard.

Un arbre mort accueille bel et bien des larves diverses.

Et, conséquemment, leurs prédateurs.

N'importe quelle larve ne se développant pas n'importe où, les prédateurs rencontrés là sont sans doute spécifiques.

 

Nous avons aussi rencontré quelques espèces détritivores.

Cette "bestiole", qui appartient à la même famille que celle des poissons d'argent.

Ctenolepisma lineata (3):

 

 

Ce petit scarabée, qui appartient à la famille des dermestes.

Orphilus sp. (3):

 

 

N'ayant rencontré ces espèces nulle part ailleurs dans le jardin, nous devons convenir qu'il y a là quelques spécificités.

Un arbre mort correspond donc bien à un biotope particulier.

Et les arbres morts participent, par leur seule présence, de la biodiversité.

Donc de la vie.

En un cercle vertueux infini que nous ferions bien de tenter de préserver.

 

 



12/05/2019
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