Des abeilles sauvages en particulier
Commençons par une question toute bête: que sont les abeilles sauvages?
On serait tenté de répondre: celles qui ne sont pas domestiques.
Que sont donc les abeilles domestiques?
Nous avons vu dans un autre article intitulé "des abeilles en général" qu'elles représentent un tout petit groupe d'insectes appartenant à la famille des Apidae.
Nous avons vu aussi que certaines abeilles sauvages, dont les bourdons, appartiennent aussi à la famille des Apidae.
Bombus hortorum (3) (bourdon des jardins):
Ce sont loin d'être les seules.
Quelles sont donc les autres abeilles sauvages?
On pourrait penser que les abeilles sauvages représentent l'ensemble des hyménoptères pollinisateurs.
Ce n'est pas le cas.
Les fourmis et les guêpes sont aussi des hyménoptères.
Ce sont avant tout des insectes entomophages.
Cependant ils peuvent aussi participer à la pollinisation.
Mais ce ne sont pas des abeilles.
Eumenes sp. (3):
Alors, finalement, que sont les abeilles sauvages?
On peut les définir comme le groupe d'hyménoptères qui se nourrissent exclusivement de nectar et de pollen.
A l'exception des abeilles domestiques.
Ce sont donc, par essence, des espèces pollinisatrices.
Osmia bicornis (2) (osmie rousse):
Il faut préciser encore que les abeilles sauvages font partie des hyménoptères apocrites.
Qui représentent les hyménoptères les plus nombreux.
Grosso modo, on reconnait les apocrites facilement.
Ceux sont les hyménoptères qui ont un étranglement entre le thorax et l'abdomen.
De cet étranglement est venu l'expression "taille de guêpe".
Odynerus melanocephalus (3):
Les hyménoptères symphytes sont plus primitifs que les apocrites.
Morphologiquement, ils ne présentent pas d'étranglement entre le thorax et l’abdomen.
Certaines espèces de symphytes sont des anthophiles, qui se nourrissent de pollen et de nectar.
Ils ne sont évidemment jamais considérés comme des abeilles.
Certains ressemblent plutôt à des guêpes (qui auraient abandonné le régime).
Tenthredo marginella (3) (tenthrède de la menthe):
D'autres ne ressemblent ni à des guêpes, ni à des abeilles.
Arge ochropus (3) (hylotome du rosier):
Les abeilles sauvages sont donc des hyménoptères apocrites strictement anthophiles (qui aiment les fleurs).
Certaines appartiennent au groupe des Apidae, qui comportent les abeilles sociables (Apis, Bombus).
La plupart appartiennent à d'autres familles, cinq au total:
- Les collètes (genres: Colletes, Hylaeus)
- Les andrènes (genres: Andrena, Panurgus)
- Les halictes (genres principaux: Halictus, Lasioglossum)
- Les mégachiles (Megachile, Osmia, etc.)
- Les mélittes (Dasypoda...).
Nous y reviendrons.
Un dernier élément: contrairement à certains Apidae, les abeilles sauvages qui constituent ces cinq familles ne sont pas "sociables".
C'est-à-dire qu'elles ne constituent pas de colonies.
C'est pourquoi on les nomme aussi "abeilles solitaires".
Par ailleurs, à l'exception des abeilles domestiques, seules quelques espèces de bourdons fabriquent du miel.
Toutes les autres abeilles sauvages se nourrissent de nectar, transportent le pollen, font des réserves de nourriture pour l'hiver, mais ne fabriquent pas de miel.
Nous avons longtemps hésité à aborder le groupe des abeilles sauvages.
Pour une raison simple, rien n'est plus difficile à déterminer que les espèces qui les composent.
A l'exception peut-être des mouches "vraies".
Mais les abeilles sauvages constituent un groupe tellement important que nous ne pouvions les laisser de côté.
Nous avons donc fini par nous lancer, à tâtons.
Comment les différencier entre elles?
Dans certains cas, la localisation de la récolte de pollen sur le corps de l'insecte est un indice précieux, orientant vers certaines familles.
Chez les andrènes, par exemple, le pollen est récolté sur les "hanches".
Andrena humilis (1):
C'est aussi le cas chez les halictes.
Seladonia subaurata (2) (halicte dorée):
Chez les mégachiles par contre, le pollen est récolté sur l'abdomen, grâce à une brosse ventrale.
Megachile albisecta (1):
Mais ceci n'est qu'un indice.
Cela ne suffit pas, loin s'en faut, pour se repérer efficacement.
Ce d'autant que beaucoup de spécimens sont photographiés avant la récolte.
Dans ces cas, on ne voit pas le pollen sur le corps de l'insecte.
Lasioglossum sp. (3):
Au moins, lorsqu'il s'agit d'une mégachile, on peut voir la "brosse à pollen".
Megachile centuncularis (1) (mégachile du rosier):
Dans nombre de cas, certaines caractéristiques morphologiques évidentes permettent l'identification.
Voici quelques exemples.
Famille des Megachilidae.
Hoplitis andrenoides (3):
Les yeux, la couleur de l'abdomen et l'allure générale sont spécifiques.
Famille des Andrenidae.
Andrena labiata (2) (andrène à ceinture rouge):
Famille des Halictidae.
Sphecodes albilabris (2) (sphécode à labre blanc):
Dans les cas cités, la couleur de l'abdomen est très significative.
Mais cela n'est pas la règle.
La plupart du temps, les espèces se ressemblent entre elles.
Et, parfois, il est même difficile de déterminer le genre.
Un élément important permet de s'orienter.
Il s'agit de la nervation alaire, en particulier du nombre de cellules submarginales.
Dans certaines familles, les ailes comprennent trois cellules submarginales (ou cubitales).
(droits réservés)
Les andrènes.
Andrena bicolorata (1) (andrène bicolore):
Les halictes.
Lasioglossum sp. (3):
Dans d'autres familles, les ailes comprennent deux cellules submarginales (cubitales).
Les osmies.
Osmia rufa (2) (osmie rousse):
Les mégachiles.
Megachile ericetorum (1) (mégachile de la gesse):
Encore faut-il que la photo montre suffisamment bien les ailes.
Et, même dans ce cas, il ne s'agit encore que d'un indice.
(droits réservés)
Donc, globalement, il est pratiquement impossible de déterminer les abeilles sauvages à partir de simples photos.
Dans le blog, nous avons généralisé le code suivant en fonction de la fiabilité de nos déterminations:
(0): identification peu probable.
(1): identification probable.
(2): identification très probable.
(3): identification certaine
En général, nous évitons le code (1).
Et le code (0) n’apparaît quasiment jamais dans nos articles.
Les insectes qui méritent ce code restent dans nos fichiers "indéterminés".
Cette fois, nous allons faire une exception, sinon nous ne saurions pas quoi montrer...
(droits réservés)
Les abeilles sauvages jouent un rôle extrêmement important dans la pollinisation.
On admet que, à elles seules, elles assurent environ 50% de la pollinisation des cultures.
Et probablement une part encore plus grande de celle des plantes sauvages.
Elles sont réparties, Apidae exclues, en cinq familles.
Les Colletidae (collètes) représentent la famille la plus "primitive" des abeilles solitaires.
Cette famille compte deux genres: Colletes et Hylaeus.
Le genre Colletes est représenté par des abeilles assez petites, un peu "trapues", revêtues de poils courts et denses...
Colletes cunicularius (1) (collète lapin):
Colletes daviesanus (1) (collète commune):
Colletes hederae (1) (collète du lierre):
Ces trois collètes sont difficiles à différencier entre elles.
Mais, comme elles n'émergent pas au même moment, cela donne une indication supplémentaire.
Le genre Hylaeus est représenté par des abeilles encore plus petites.
Ce sont des abeilles peu velues, dont le corps est noir et arbore toujours quelques dessins, blancs ou jaune-clair.
Parfois, ces dessins, lorsqu'ils sont présents sur le clypeus (le visage, en quelque sorte) de l'insecte, ressemblent à un masque.
De fait, on les nomme aussi "abeilles masquées".
Il est assez facile de reconnaître un Hylaeus, mais très difficile de déterminer quelle en est l'espèce.
Hylaeus sp. (3):
Certains disposent de caractéristiques assez probantes.
Hylaeus variegatus (2):
Encore que, dans ce cas, il pourrait s'agir de Hylaeus meridionalis.
Pour les autres, nos identifications restent approximatives.
Nous essayons juste de nous efforcer qu'elles ne soient pas trop fantaisistes.
Hylaeus hyalinatus (1) (abeille masquée hyaline):
Hylaeus communis (1) (abeille masquée commune):
La deuxième famille d'abeilles "solitaires" est constituée par les Halictidae.
Les Halictidae regroupent une dizaine de genres, dont fait partie le genre Sphecodes, représenté plus haut.
Les genres les plus représentés sont Halictus et Lasioglossum.
Un nouveau genre: Seladonia, vient d'être caractérisé récemment.
Les Seladonia faisaient naguère partie du genre Halictus.
Seladonia submediterranea (2) (halicte sous-méditerranéenne):
Les halictes présentent une particularité: chez elles, on observe ce qui correspond à un début de sociabilité.
Elles ne sont donc pas si "solitaires" que cela.
Quelques espèces de la famille sont caractéristiques.
Halictus scabiosae (2) (halicte de la scabieuse):
Seladonia subaurata (2) (halicte dorée):
Lasioglossum calceatum (2) (lasioglosse chaussé):
Mais, encore une fois, ce n'est pas la règle.
Par exemple, les lasioglosses sont représentés par au moins une vingtaine d'espèces en France.
Ils se ressemblent entre eux et, pour les identifier, il faudrait procéder à des captures.
Puis les observer sous loupe binoculaire.
Personnellement, nous n'en sommes pas encore là.
Donc la plupart du temps, nous nous contentons de Lasioglossum sp.
Lasioglossum sp. (3):
Lasioglossum sp. (3):
Si nous allons jusqu'à l'espèce, ce n'est jamais par hasard.
Mais, le plus souvent, nos arguments, en dehors de l'habitus, sont peu discriminants.
PS: l'habitus correspond à l'apparence générale, sans détail évident.
Lasioglossum albipes (1):
Lasioglossum brevicornis (0):
Notre démarche n'est pas scientifique.
Nous ne tuons jamais les insectes.
Donc, dans les cas difficiles, il nous est impossible de trancher.
Mais notre formation de base est scientifique.
Donc nous essayons de rester honnêtes dans nos identifications.
Lasioglossum albocinctum (1):
Evidemment, si nous hésitons entre deux espèces semblables, l'instinct nous pousse à choisir celle que nous n'avons pas encore rencontrée.
Il faut, bien sûr, résister à cela.
Lasioglossum nigripes (2):
La troisième famille d'abeilles solitaires, probablement la moins connue, est celle des mellitides.
Celle aussi qui présente le moins d'espèces.
Un coup de bol, nous avons "choppé" un spécimen qui semble bien en faire partie.
Dasypoda altercator (1):
Vous l'avez compris, tout cela n'est pas très sérieux.
Dans le sens où n'importe quel entomologiste confirmé qui viendrait s'égarer sur ce blog s'effondrerait de rire...
Ou, pire, nous signalerait son mépris...
Encore que beaucoup d’entomologistes chevronnés sont des êtres débonnaires et tolérants.
Notre but est d'intéresser à la vie sauvage ceux qui n'y connaissent rien.
C'est-à-dire à peine moins que nous.
Et faire partager l'évolution de nos connaissances, qui étaient réduites à zéro il n'y a pas si longtemps.
Voici ce que devrait être une détermination sérieuse.
Il y a plusieurs mois, nous avions rangé l'insecte suivant dans nos fichiers sous le nom "Osmia sp.".
Et oui....
Nous avons ressorti de nos fichiers l'insecte en question.
Atout de la photo concernée (essentiel), on voit la nervation alaire.
Sur celle-ci, on aperçoit trois cellules submarginales.
De fait, il ne peut PAS s'agir d'une osmie.
La sous-famille concernée peut être celle des Collétines, des Andrénines, des Halictines, des Nomadines...
Mais PAS celle des Mégachilines, qui compte en son sein les osmies.
La nervure basale est carrément courbée (flèche noire).
Il s'agit donc d'un spécimen de la sous-famille des Halictines.
La localisation des soies au niveau des tergites (segments abdominaux) nous oriente vers le genre Lasioglossum.
Et nous pouvons aller même jusqu'au sous-genre Lasioglossum.
Car les deux nervures transverses de la deuxième submarginale sont équivalentes (flèches jaunes).
Nous pouvons donc conclure à coup sûr Lasioglossum (Lasioglossum) sp.:
Ce qui nous donne:
Ordre: Hymenoptera
Famille: Halictidae
Tribu: Halictini
Genre: Lasioglossum
Sous-genre: Lasioglossum
Espèce: indéterminée
Voilà du travail sérieux!
Autant dire que l'on ne parvient à se livrer à ce genre d'exercice tous les jours.
Il faut la bonne photo.
La patience.
Trouver des pistes.
Chercher des liens.
Tout cela pour aboutir à: espèce indéterminée!
Mais, comme nous ne sommes pas (trop) sérieux, et que nous disposons d'un peu de mauvaise foi (mais guère), nous nous affranchissons de l'obstacle:
Lasioglossum leucozonium (0):
Voilà pour les abeilles sauvages.
Dans cet article, nous n'avons pas développé la famille des Megachilidae ni celle des Andrenidae.
Elles font l'objet d'un autre article.
En attendant (bis repetita):
(droits réservés)
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