Où sont-ils passés?
Cet article évoque nos premiers pas dans l'observation des insectes.
Il concerne la famille probablement la plus emblématique: celle des Coléoptères.
D'emblée, se présentent des difficultés de tous ordres:
Où les voir?
Comment les photographier?
Comment les déterminer?
Chrysolina herbacea (3) (chrysomèle de la menthe):
Lorsque l'on commence à s'intéresser à l'entomologie, l'on est, au départ, enthousiaste.
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Mais l'on est obligatoirement habité par des tonnes d'idées fausses.
En ce qui nous concerne, l'une d'entre elles était la suivante:
- si nous regardons notre jardin à la recherche d'insectes, nous allons forcément y rencontrer des scarabées.
En effet, les scarabées, presque autant que les papillons, sont des insectes remarquables.
Rares sont ceux qui n'ont pas quelques souvenirs d'enfance les concernant.
Pour notre part, notre mémoire était parsemée des nombreux cétoines dorés posés dans les roses de nos jardins d'enfant.
Et qui ne se souvient pas d'une rencontre avec un lucane cerf-volant, un grand capricorne, un scarabée rhinocéros, ou un hanneton?
Attentifs à la végétation, nous avons cherché.
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Et nous n'avons guère rencontré de scarabées.
Il fallut chausser une longue-vue et s'armer de patience.
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Longtemps ce fut rien, encore rien, toujours rien.
Les premiers coléoptères aperçus, enfin, le furent sur des fleurs d'hélichryse italienne.
L'hélichryse, à l'expérience, allaient se révéler être un très bon terrain d'observation pour de nombreuses familles d'insectes.
Ces premiers coléoptères étaient très petits.
Il y eut d'abord Oedemera podagrariae (3) (oedemère ochracé):
Et Oedemera nobilis (3) (oedemère noble):
Des espèces banales, très fréquentes, mais que nous ne connaissions pas, faute de ne les avoir jamais regardées.
Regarder, c'est aussi apprendre.
Ce que nous avons appris dans ce cas, c'est que les deux spécimens ci-dessus sont des femelles.
Les mâles, eux, présentent des "fémurs" sus-dimensionnés.
Oedemera podagrariae (3) (oedemère ochracé mâle):
Oedemera nobilis (3) (oedemère noble mâle):
Au passage, nous nous heurtions à de nouvelles difficultés, celles de la photo macro-numérique.
Nos premières photos laissèrent à désirer (les suivantes aussi, hélas).
Une dizaine d'espèces d'Oedemeridae sont présentes en Europe occidentale.
Donc, jusque là, pas de quoi être angoissé.
Deux sur dix, c'était un bon début.
Nous aurions du cependant nous souvenir de la satisfaction du capitaine Haddock après la découverte de la croix en or sur l'épave de La Licorne.
A côté des oedemères, nous découvrîmes, voguant de conserve, d'autres espèces encore plus petites, appartenant à la famille des Mordellidae.
Variimorda villosa (2):
Mediimorda bipunctata (2):
A leur contact, nous fûmes confrontés à plusieurs faits entomologiques essentiels.
Par exemple, si les odonates en France comptent environ 100 espèces, les papillons de jour alentour de 250, les coléoptères représentent, eux, environ 10000 espèces différentes en France.
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Cent fois plus!
Cette fois, bachi-bouzouk, il y avait de quoi être angoissé.
Par ailleurs, plus les espèces sont petites, moins bien elles sont étudiées.
Forcément, puisqu'on ne les voit pas!
Par exemple, dans l'excellent forum intitulé "Le monde des insectes", la galerie ne compte que 7 genres de Mordellidae, pour 8 espèces.
Alors que 16 genres sont présents en Europe occidentale (pour combien d'espèces?).
Enfin, à moins d'être spécialiste, de disposer d'un échantillon de l'espèce et du matériel adéquat, nous comprîmes qu'il nous serait impossible de déterminer bon nombre d'espèces.
Un entomologiste amateur qui n'utilise qu'un support photographique reste approximatif.
L'abréviation "sp.", dans les cas incertains, vient remplacer le nom de l'espèce quand celle-ci reste indéterminée.
Aucun professeur Tournesol n'étant là pour nous aider, allions-nous devoir commencer à égrener les "sp." tout au long du Blog.
Par exemple, Variimorda sp. (3):
Dans ce cas, nous ne sommes même pas certains de Variimorda.
En fait, nous avons renoncé à "espèce indéterminée".
Sauf cas, particulier, nous proposons toujours un nom d'espèce.
Simplement, nous signalons le niveau de probabilité de celle-ci.
Oedemera lurida (1):
Ce n'est pas scientifique.
Mais nous ne sommes que des amateurs.
Retournons vers nos coléoptères...
Dans les jardins de notre enfance, c'est sûr, il y avait des coccinelles.
La plupart étaient rouges à points noirs.
D'autres noires à points rouges.
D'autres noires à points jaunes.
D'autres jaunes à points noirs...
Une chose est sûre, c'est que, malgré leur renommée, malgré leur impact sur l'imaginaire des enfants, pour qu'elles laissent un souvenir aussi marquant, elles devaient être nombreuses.
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Nous désespérions d'enfin rencontrer quelques coccinelles, tant nous passâmes de jours dans un aussi grand jardin sans en voir une seule.
Puis, enfin...
Coccinella septumpunctata (3) (coccinelle à sept points):
Mieux que cela, une jeune et une autre à l'état larvaire:
Ouf! Les coccinelles existaient toujours.
Et même certaines noires, avec deux points rouges.
Scymnus interruptus (1):
Mais ce n'était tout de même pas bézef.
Certes, il y en a avait bien certains, qui se donnaient des airs:
Tituboea sexmaculata (3) (antipe à six taches):
Cryptocephalus bipunctatus (2) (cryptocéphale à deux points):
Mais ceux-ci étaient bel et bien des chrysomélides.
Très vite, d'ailleurs, nous devions rencontrer de nombreuses chrysomèles et apparentés.
Logique, il en existe plus de 500 espèces en France.
Exosoma lusitanica (3) (lupérus portugais):
Chrysolina americana (3) (chrysomèle du romarin):
Podagrica fuscipes (3) (altise des mauves):
Hypocassida meridionalis (2):
Parmi les chrysomèles, il en est une très commune: le crache-sang.
Ce curieux animal dispose de deux particularités.
Il crache un liquide rouge lorsqu'il se sent en danger.
Et il dispose d'élytres qui sont soudées.
De fait il est incapable de voler.
Timarcha tenebricosa (3):
Le crache-sang est très banal, mais attention toutefois.
Si l'on habite en région PACA, ce qui est notre cas, on peut le confondre avec son cousin germain.
Timarcha nicaensis (1):
Le seul détail qui les différencie est ceci.
Timarcha tenebricosa (3):
Bref, nous avancions, à tous petits pas.
Mais qu'étaient devenus les cétoines dorés de notre enfance?
Il y avait bien quelques-uns de leurs cousins, qui ne se laissaient pas aller au désespoir malgré leur nom.
Oxythyrea funesta (3) (cétoine funeste):
D'autres, aussi sombres, mais plus rares.
Netocia morio (2) (cétoine noire):
Mais aucun cétoine doré.
Ceux-ci ont, semble-t-il, déserté les Bouches-du-Rhône.
Et les capricornes, et autres longicornes?
Pas grand chose non plus, à quelques exceptions près.
Strictoleptura cordigera (3) (lepture porte-cœur):
Niphona picticornis (3):
Et les lucanes cerf-volants?
Pas l'ombre d'un.
Un seul membre de la famille du lucane fut rencontré.
Ce n'était, lui aussi, qu'un cousin.
Dorcus parallipipedus (3) (petite biche):
Un rhinocéros sauva l'honneur des souvenirs anciens.
Mais, comme il s'agissait d'une femelle, nous ne vîmes pas sa corne.
Phyllognathus excavatus (3):
A part cela, un membre de la famille des Aphodiidae, qui eut l'amabilité de venir se promener sur le bureau:
Ammoecius elevatus (2):
Un scarabée égaré dans le salon (famille des Geotrupidae): une femelle minotaure.
Elle commença à pousser de curieux petits "cris" lorsque l'on s'en saisit pour la remettre dehors.
Typhaeus typhoeus (3):
Evidemment, les coléoptères ne "crient" pas.
Ils ne disposent pas de cordes vocales.
Les bruits qu'ils produisent sont soit le résultat d'une stridulation: frottement d'un organe contre un autre.
Soit ils expulsent une substance lorsqu'ils se sentent en danger, en général malodorante, pour dissuader les prédateurs.
Dans ce cas, le "cri" est le résultat de la décharge de cette substance.
Le bruit occasionné servant aussi à éloigner un éventuel prédateur.
Parmi les buprestes, un, perdu sur la terrasse.
Pour nous rappeler les difficultés des premières photographies.
Capnodis tenebrionis (3) (capnode du pécher):
Une cantharide (dont la poudre avait autrefois la réputation de provoquer des érections, mais nous ne vous conseillons pas d'essayer).
Rhagonycha fulva (3) (téléphore fauve):
Tout cela était bel et bon, mais ne suffisait pas.
Nous ne savions pas regarder.
Il fallait réviser nos coordonnées.
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Nous étions trop à l'ouest.
Ou, plus simplement, complètement à l'ouest.
Fallait-il baisser les yeux plus souvent?
Cela fonctionna quelques fois.
Courant dans l'herbe, petit, furtif, enfin un carabe.
Amara aulica (2) (amara princière):
Toujours sur le sol, encore plus furtifs, deux staphylins.
Ocypus olens (2):
Philonthus nitidicollis (2):
Il n'y avait plus de doute: nous regardions mal.
Il fallait retourner vers le centre de l'île.
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Ou nous procurer un pendule.
A force d'user nos yeux, nous rencontrions des espèces encore plus minuscules, difficiles à prendre en photo par des empotés du reflex numérique.
Anthrenus festivus (3):
Et nous finirent par rencontrer des Curculionidae.
Que sont les Curculionidae?
Ce sont tout simplement les charançons.
Et ils font partie de la famille des coléoptères.
Sitona humeralis (2):
Phyllobius pyri (1):
Les Curculionidae sont très nombreux.
Très petits.
Et très semblables entre eux.
On les détermine souvent avec les yeux de la foi.
Des entomologistes chevronnés nous excluraient des forums pour certaines de nos identifications.
Sitona cinnamomeus (0):
Pour certains, nous avons aussi poussé l'audace d'aller jusqu'à la spéciation.
Sans être tout à fait sûrs de la famille.
Notaris scirpi (1):
Un dernier pour la route, si petit que nous ne savions même pas si nous prenions un insecte en photo.
Il s'agissait d'un apion, pour lequel nous avons osé Holotrichapion, mais il pourrait aussi s'agir d'un Aspidapion.
Holotrichapion ononis (1):
La première année, nous avons rencontrés une trentaine d'espèces de coléoptères.
Sur les quelques 10000 présentes sur le territoire national.
Plus de cinq ans d'arrêt total de substances chimiques, cinq ans de compost, de permaculture, de toilettes sèches...
Et seulement trente espèces de scarabées?
Nous ne sommes pas des pessimistes morbides, mais la sixième extinction nous préoccupe.
En serions-nous déjà les témoins impuissants, et bientôt désabusés?
Dans l'expectative, nous avons fini par convenir que nous ne savions pas observer les coléoptères.
Nous ne savions pas où regarder, où les chercher, comment les dénicher.
De quoi être désespérés.
(droits réservés)
Nous n'espérions pas les bijoux de Moulinsart, mais quelques espèces supplémentaires au moins.
(droits réservés)
Une chose est sûre, nous avions d'emblée appris que la tâche que nous nous étions fixée: faire un inventaire exhaustif des insectes du jardin, était une tâche impossible.
Du moins, notre blog aurait encore de quoi montrer dans le futur.
La suite, donc, au prochaine épisode.
NB: pour mieux comprendre certaines allusions fumeuses de l'article, lisez ou relisez ceci:
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